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Située à une cinquantaine de kilomètres au nord d’Amman, Gerasa, l’actuel Jerash, constitue sans aucun doute l’une des plus belles cités romaines préservées du Proche-Orient.
Enfouis sous le sable, les vestiges ont été préservés. 90 % du site demeure encore enterré, mais les nombreuses fouilles et les restaurations nous offrent un aperçu passionnant de celle qui fut l’une des plus brillantes cités romaines de l’empire. Les fouilles archéologiques sur le site ne commenceront qu’en 1925, grâce au mandat britannique. Elles se poursuivent toujours dans le cadre d’un projet international.
Ulrich Jasper Seetzen découvre Jerash en 1806. Né en 1767, il suit, à Gà¶ttingen, de solides études de zoologie, de botanique, de minéralogie, d’architecture et de grec. Il entreprend alors plusieurs voyages vers le Proche-Orient. En 1809, il atteint la Mecque. Il meurt assassiné en 1811 à Taez (Yémen). « Des vestiges comparables à ceux de Palmyre ou de Baalbek... » C’est en ces termes qu’il décrit la découverte, en 1806, des ruines de l’antique Gerasa. A cette occasion, il s’étonnait également "qu’un tel endroit, aussi magnifique, ait pu échapper si longtemps à la connaissance des amoureux de l’Antiquité". Malheureusement, ses journaux de voyage ont été irrémédiablement détruits, ce qui nous privent d’informations précieuses. Par la même, le nom du découvreur de Jerash est tombé dans l’oubli.
Les fouilles ont révélées que le site était déjà occupé au néolithique. La fondation de la ville est imprécise, parfois attribuée à Alexandre le Grand lui même ou à son général Perdiccas. Son ancien nom, Antioche sur le Chrysorrhoas, permet aussi de l’attribuer au séleucide Antiochos IV (175 - 164 av. J.-C.). Tout au moins, c’est à compter de cette date, au IVe siècle av. J.-C., qu’elle prend son véritable essor. Son ancien nom sémitique est Garshu, déformé en Gerasa à l’époque romaine. En 63 av. J.-C., Pompée conquiert la région et constitue la province romaine de Syrie. Dès lors, la cité est rattachée à la Décapole et devient rapidement l’une des villes les plus prospères de l’empire.
En 68 apr. J.-C., Vespasien y établit une garnison pour surveiller la communauté juive. Vers 75, la ville est entièrement redessinée autour d’un decumanus . Comme à Palmyre ou à Pétra, les règles urbanistiques romaines se sont adaptées à la configuration locale préexistante.
Au IIIe siècle, la cité accède au rang de colonie. Elle connaît alors son âge d’or sous le règne des Antonins : la population est alors estimée à 15 000 habitants environ. Par la suite, le déclin s’amorce avec la disparition du trafic caravanier au profit du commerce maritime, mais aussi en raison de troubles persistants dans la région. Le règne de Dioclétien (vers 300) apporte un court répit : quelques nouvelles constructions sont entreprises.
A l’époque byzantine, au Ve siècle, le christianisme étant la religion dominante, sept églises sont bâties sous le règne de Justinien en réemployant les pierres des temples païens. Le déclin se poursuit avec l’invasion sassanide de 614 et la conquête musulmane en 636. Les séismes de 749 endommagent considérablement la ville qui compte désormais moins de 4 000 habitants. Les croisés occupent brièvement la cité au XIIe puis elle est désertée. C’est seulement en 1878, lors du mouvement d’émigration des Circassiens qu’elle reprend vie, mais de l’autre côté du Wadi.
La fondation de Gerasa est une fondation politique : elle marque un territoire de l’empreinte d’un conquérant. Dès le départ, ce ne fut pas une capitale de négoce au même titre que Palmyre ou Pétra. D’ailleurs, la cité ne possédait pas vraiment d’entrepôts de marchandises. Mais son essor débute avec le déclin de la cité nabatéenne, profitant d’une position géographique qui est loin d’être négligeable pour attirer le commerce. Située près de la Via nova créée en 108 par Trajan, qui relie Aqaba à Antioche via Damas, et près de la piste caravanière qui va de Bagdad à Césarée, Gerasa constitue la première cité digne de ce nom à la sortie des déserts. La prospérité de la cité est antérieure au détournement du trafic caravanier.
Elle est construite sur les collines de Galaad, au bord d’une rivière dont le nom grec, Chrysorrhoas, la « rivière d’or », traduit le rôle joué dans la fertilité de la vallée. La cité doit son enrichissement autant au commerce pratiqué avec les Nabatéens, qu’à l’essor de l’agriculture et aussi à l’extraction du fer dans la région d’Aljun.
Gerasa n’est pas une ville sémite où progressivement quelques bédouins se sédentarisent et développent de petites activités en relation avec le commerce caravanier. On sait que ses habitants parlaient surtout le grec mais utilisaient la langue latine pour leurs transactions commerciales et les actes légaux. Gerasa n’est donc pas une cité caravanière à proprement parler mais plutôt une cité marchande qui profite du commerce caravanier qui ne représente qu’une partie de son activité économique.
Actuellement, les vestiges, mal conservés, d’une seule maison à cour intérieure sont visibles Car les maisons romaines, à plus forte raison hellénistiques, moins bien construites que les bâtiments publics, furent généralement détruites lors des nombreux séismes. La prospérité de la cité se traduit dans ces constructions publiques, nombreuses et particulièrement raffinées. On peut encore aujourd’hui y recenser un forum, deux théâtres, deux établissements de thermes, un nymphée, deux temples monumentaux et une grande avenue à portiques. L’ensemble est protégé par 3,5 kilomètres d’enceinte. A l’extérieur de cette enceinte, un arc de triomphe et un hippodrome concrétisent son rang de plus brillante cité romaine de l’empire au Proche-Orient.
La construction des remparts a commencé au début du IVe siècle, sous le règne de Dioclétien. Les murailles actuelles datent de la période byzantine. Longues de 3 460 mètres environ, elles s’étendent sur les deux rives du wadi. De puissantes tours de plan carré le renforçaient tous les dix-sept à vingt mètres. Plusieurs portes sont connues sur son tracé, mais seules celles du Nord et du Sud sont bien conservées. Construites au début du IIe siècle en l’honneur respectivement des empereurs Trajan et Hadrien, elles correspondent à des arcs monumentaux incorporés ultérieurement dans le périmètre défensif.
Erigé en 129-130 et destiné à marquer la limite d’une extension urbaine projetée, l’arc d’Hadrien aurait dû devenir la nouvelle porte sud de la cité après son agrandissement. L’arc était à l’origine deux fois plus haut. C’est un arc de triomphe classique, à trois baies. Des demi-colonnes encadrent des niches à fronton. L’arc devait être couronné d’un quadrige en bronze.
La Porte Sud constitue l’entrée principale de la cité. Elle date de l’an 130. Une curiosité de la décoration est constituée par les feuilles d’acanthe visibles à la base des colonnes là où on les attendrait sur les chapiteaux. Immédiatement derrière la porte, une aire servait de marché. On peut encore voir dans l’angle gauche de la porte en entrant un pressoir à olives daté du IIe siècle.
La Porte Nord fut construite en 115. Sa forme en angle s’explique par son alignement sur le cardo. Au-delà de cette porte, la voie romaine conduit à la cité de Pella, membre de la Décapole.
Élément central de la cité, il constitue aussi une curiosité architecturale en raison de sa forme ovale. Large de 80 mètres sur 90 mètres de profondeur, il est limité par deux colonnades de style ionique datant du Ier siècle.
Le pavement central est en grande partie d’origine. Deux autels sont placés au centre, et une fontaine y fut construite au VIIe siècle. Certains spécialistes pensent qu’il s’agissait d’un lieu de sacrifice lié au temple de Zeus et que le podium central supportait à l’origine une statue.
Plus vaste que celui consacré à Artémis, il fut achevé et consacré en 162/163 apr. J.-C. sur un sanctuaire plus ancien consacré peut-être à Baal-Shamin, dès le VI-Ve siècle avant notre ère, autour d’un rocher isolé percé d’une grotte. Le sanctuaire de Zeus comprend deux terrasses reliées par de larges volées d’escaliers. Sur la plus haute se dresse un grand temple octostyle, périptère , sur podium. On y accédait par un escalier monumental reposant sur des voûtes qui le reliait à une cour transversale plus basse contenant un autel à sacrifices.
Cette cour était elle-même accessible depuis le forum par un autre escalier. La terrasse située en contrebas, longue de cent mètres et large de cinquante mètres, correspond au noyau ancien du sanctuaire. La façade de la partie supérieure est décorée de niches à coquilles contenant peut-être à l’origine des statues. On peut encore voir dans la partie basse quelques éléments de décoration : palmes, oves, entrelacs, frise de vignes et grenades.
Il est érigé en 150 sous le règne d’Antonin le Pieux. C’est le monument le plus important de la cité, d’abord parce qu’il s’agit du temple de la déesse tutélaire de Gerasa mais surtout par les proportions de l’édifice. L’ensemble de la construction s’étale sur près de 650 mètres de long. Le temenos couvre, à lui seul, l’équivalent de 20 000 m² (130 m de large sur 160 m de long). Entre le cours du Chrysorrhoas et le podium final du temple, le dénivelé est de 40 mètres.
Du point le plus bas au point le plus beau, une véritable mise en scène architecturale concrétise un parcours initiatique, symbolique et mystique : les processions partaient de la rivière, traversaient un double exèdre (1) puis le cardo (2) et montaient vers le temenos. Depuis le cardo maximus, on emprunte de grands escaliers d’apparat de 20 mètres de large en 7 volées de 7 marches (3).
On parvient alors sur un replat avec au centre un autel de sacrifice (4). Puis de nouvelles marches conduisent au grand portique d’entrée qui s’ouvre sur le temenos en traversant une galerie transversale (5). On accède alors au péribole (6) de la cella (7). Onze des douze colonnes d’origine entourent toujours l’enceinte sacrée. A l’origine, le temple était entouré de propylées ajoutés entre 161 et 169. Des escaliers permettaient d’accéder aux toitures.
Le nymphée a été consacré en 191 apr. J.-C. Sa présence et ses proportions monumentales caractérisent l’opulence de Gerasa à l’époque romaine. C’est une construction à deux étages, très décorée. A l’origine, l’édifice était recouvert de plaques de marbre au niveau inférieur et de stuc à l’étage supérieur. L’ensemble était surmonté d’un demi-dôme.
C’était une décoration typique du baroque de l’époque des Sévères au début du IIIe siècle. L’eau tombait en cascade au milieu des colonnes corinthiennes dans une grande vasque, toujours visible, puis s’écoulait à travers les têtes sculptées de sept lions dans des petits bassins le long du trottoir, puis s’écoulait dans un système d’égouts, courant sur toute la longueur du cardo.
L’alimentation permanente de monuments publics ne fut possible que par le captage de sources situées plus en amont dans la vallée et par le transport, au moyen d’un aqueduc, des eaux recueillies. La distribution de l’eau s’effectuait au moyen de conduites sous pression qui alimentaient, en particulier, les thermes de l’ouest , le Nymphée et les différentes fontaines jalonnant le cardo.
La cité comprend deux tétrapyles. Le tétrapyle nord est situé à l’intersection du cardo et du decumanus nord. Il fut bâti pendant la reconstruction de Gerasa au IIe siècle. Postérieurement, il fut dédié à la femme de Septime Sévère, Julia Domna, qui était d’origine syrienne. Il était constitué de quatre arches surmontées d’un toit en dôme.
Le tétrapyle sud est placé à l’intersection des deux axes principaux, le cardo maximus et le decumanus. Ce croisement fut transformé en une place circulaire à la fin du IIIe siècle. Le tétrapyle sud est constitué de quatre bases supportant chacune quatre colonnes surmontées de statues ou d’une petite pyramide.
Il a été construit à l’époque des Sévères, entre le IIe et le IIIe siècle de notre ère en dehors de l’enceinte de la cité. Ses proportions sont conséquentes : 244 mètres de long sur 50 mètres de large. Autrefois entouré de gradins pouvant accueillir
15 000 spectateurs environ, il s’agit là encore d’un monument important qui traduit la prospérité de la cité : on devait y pratiquer des courses de chars ou de chevaux. Les fouilles ont permis d’y retrouver des buts de polo. On sait que ce sport était très apprécié des Sassanides qui occupèrent Gerasa après sa conquête par Chosroès II au début du VIIe siècle.
Le théâtre sud est érigé à la fin du Ier siècle apr. J.-C. sous le règne de Domitien. Constitué de 32 rangées de sièges, il pouvait contenir 5 000 spectateurs. Le bâtiment de scène comportait deux étages. Sa décoration est assez typique. Entre 80 et 96, le théâtre a bénéficié d’un agrandissement.
Le théâtre nord fut édifié en 165, puis agrandi sous Alexandre Sévère. Il comptait quatorze rangées de sièges. Les noms de plusieurs dieux et ceux des tribus représentées dans la boulê rappellent que le bâtiment faisait aussi office de bouleterion . En 235, sa capacité est portée à 1600 sièges par l’ajout de gradins supplémentaires.
Le cardo maximus est long de plus de 800 mètres jusqu’à la porte nord, orné de près de 1000 colonnes corinthiennes et ioniques. La rue a fait l’objet d’un remodelage au IIe siècle : les colonnes ioniques furent remplacées par des colonnes corinthiennes. Des échoppes se dressaient de chaque côté de la voie, qui devait être l’axe majeur de la cité.
Le dallage d’origine est marqué de-ci delà d’ornières dues à l’usure des roues des charriots. La cité comportait deux decumanus. Le decumanus « sud » descend vers l’est et enjambe la rivière sur un petit pont pour mener aux thermes est. A l’ouest, il remonte vers une porte dans le mur d’enceinte.
Artisans et marchands étaient probablement regroupés géographiquement par profession à l’intérieur de la ville. Leurs échoppes et étals occupaient des bâtiments spécifiques, comme le macellum, mais plus généralement des boutiques établies le long des rues. Des pierres gravées, comme autant d’enseignes, témoignent des marchandises qu’on y échangeait.
On a recensé deux établissement de thermes à Gerasa. Les thermes situés à l’ouest de la cité, juste en contrebas du tétrapyle nord, datent du IIe siècle. C’était un bâtiment de 50 mètres sur 70, qui s’est effondré lors dus séisme de 747. C’est l’un des premiers exemples de construction romaine où le dôme repose sur un plan carré.
Les fouilles archéologiques ont permis de mettre à jour une quinzaine d’églises toutes construites vers 530. D’autres sont peut-être encore enfouies sous les gravats. Quatre d’entre elles sont identifiées : Saint Théodore, Saints Côme et Damien, Saint Jean-Baptiste et Saint Georges. De belles mosaïques ornent le sol des églises. La très belle mosaïque de Saint Côme et Damien date de 533. Elle représente un homme et sa femme en prière.
On estime que les vestiges retrouvés devant l’église Saint Théodore sont eux d’une cathédrale, mais ce n’est pas prouvé. Entre l’église et le mur ouest de la cathédrale, on peut voir une petite place pavée avec une fontaine au centre. Le portail richement décoré, daté du IIe siècle, est une reprise d’un temple précédent, celui de Dionysos. Au IVe siècle, le temple est reconstruit pour en faire une cathédrale. En haut des escaliers, contre le mur est, on peut voir une inscription peinte honorant la vierge Marie et les archanges Gabriel et Michel.
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Dernière mise à jour : 2 mars 2009 2005-2024 © Clio la Muse |