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Les institutions spartiates

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Les institutions spartiates passaient pour immuables, mises en place par Lycurgue - personnage probablement mythique dont on ignore toute l’histoire - et confirmées par l’oracle de Delphes dont la transcription en prose donne naissance à un document fondateur, la Grande Rhetra. Rien n’est moins sûr. Selon Thucydide [1], des dissensions continuelles agitèrent Sparte dès l’origine et selon Hérodote [2], de tous les Grecs, ce sont les Lacédémoniens qui avaient les plus mauvaises lois.
Ces institutions répondent à un objectif politique, en finir avec les divisions familiales liées à l’existence des tribus, et à un objectif militaire, contrôler les hilotes et les périèques. Le régime politique était composé de deux rois, d’un conseil des Anciens, de cinq éphores et d’une assemblée. Selon Aristote, c’est un système qui tient tout à la fois de la monarchie, de l’oligarchie, de la démocratie et de la tyrannie !

Les éphores

Leur nom signifie « les surveillants ». C’est le vrai gouvernement de la cité. Ils préparent le travail de l’assemblée, président ses débats et exécutent ses décisions. Les cinq éphores sont élus pour un an parmi les citoyens sans être rééligibles ; leurs décisions sont prises à la majorité. Ils représentent la souveraineté nationale et s’occupent de la politique étrangère en recevant les ambassadeurs. Ils contrôlent les hilotes, les périèques, les magistrats et les rois. Les éphores jurent fidélité aux rois mais ne le soutiennent que s’il applique la constitution ; en temps de guerre, l’un d’entre eux accompagne le roi pour le surveiller. Les éphores dirigent la police et surveillent la jeunesse et les citoyens dont ils exigent une parfaite obéissance. Ils peuvent infliger des amendes, révoquer, faire emprisonner toute personne même un roi. Ils jugent les affaires de droit civil fondées sur des contrats. Eux-mêmes peuvent être condamnés à leur sortie de charge à l’initiative des nouveaux éphores.

Les rois

La royauté spartiate est vraisemblablement une survivance d’une période antérieure où le pouvoir était peut-être collégial. L’accès au trône est héréditaire. Les deux familles royales, Agiades et Eurypontides, prétendent descendre d’Héraklès à la cinquième génération via deux jumeaux Eurysthémès, pour les Agiades, et Proclès pour les Eurypontides. Ces deux familles ne peuvent s’unir. En cas de contestation, ce sont les éphores qui tranchent. Entre les deux familles, il existe une rivalité tendant parfois à l’hostilité. Généralement, il existe un roi dominant (le plus âgé, le meilleur stratège).

Selon Xénophon [3], "le roi n’a pas d’autre tâche en campagne que d’être un prêtre pour les dieux et un stratège pour les hommes". Les rois sont chefs religieux de la cité, prêtres de Zeus Lakédaimonios et de Zeus Ouranos. Hérodote [4]nous décrit leurs privilèges religieux (géréa) qui ne sont pas des pouvoirs politiques. Ils président aux sacrifices publics, dont ils reçoivent les parts d’honneur (la peau, les filets). Ils désignent les pythioi chargés de consulter l’oracle de Delphes. Ils jugent certaines affaires de droit familial (attribution des filles épiclères) et religieux. Ils ne décident pas de la guerre mais commandent l’armée en campagne(polémon ekphérein), mais jamais en même temps, pour éviter les rivalités. Le roi combat en tête des hoplites, protégé par une garde d’honneur de 100 hommes. Il quitte le champ de bataille en dernier et c’est lui qui choisit l’emplacement du camp. En temps de guerre, les rois sont autorisés à conclure les trêves et à envoyer des ambassades mais ils restent sous la surveillance des éphores auxquels ils ont prêté serment de respecter les lois. Ils peuvent être jugés et démis en cas d’échec militaire ou de corruption. Les procès de rois sont assez fréquents au Ve siècle.

On leur rendait de grands honneurs [5] : on leur cédait la première place, on se levait devant eux par déférence et les habitants prenaient le deuil à leur décès. Ils président l’assemblée mais ce n’est qu’une charge honorifique.

Les rois sont riches : ils possèdent des terres propres (temenos  ) dans la périoikis, ils perçoivent le tribut royal des Lacédémoniens, ils reçoivent une part considérable du butin, ils peuvent vendre les peaux issus des sacrifices publics, ils obtiennent un porcelet de chaque portée de truie. Cette richesse accroît leur influence. Certaines fortes personnalités comme Cléomène Ier, Pausanias ou Agésilas II parviendront ainsi à dépasser leurs prérogatives.

La gerousia

La gérousia est un conseil de 28 vieillards (âgés d’au moins 60 ans) élus à vie, par acclamation [6], auxquels s’ajoutent les deux rois. C’est une élection particulièrement honorifique et de fait les gérontes sont recrutés dans les plus grandes familles. En théorie, c’est elle qui exerce l’autorité absolue sur tous les citoyens, les magistrats et les rois. Elle exerce de grands pouvoirs judiciaires et politiques et juge les crimes les plus graves (meurtre et les procès politiques). C’est elle qui dirige la politique étrangère et formule les propositions soumises à l’assemblée dont elle peut casser le vote. Mais dans la pratique, son rôle politique est assez limité. Les auteurs antiques mentionnent rarement la gérousia quand ils évoquent les événements importants et on trouve peu de traces de son intervention dans le domaine législatif, quant à la politique étrangère elle est généralement décidée par les éphores ou les rois. Au final, son rôle consiste surtout à constituer un élément stabilisateur.

L’assemblée (ecclesia)

Seuls les Semblables peuvent y participer. Le rôle de l’assemblée des citoyens est assez mal connu. On ne connaît pas avec certitude l’âge à partir duquel on pouvait y participer (20 ans ? 30 ans ?). Son nom même est sujet à controverse : seul Plutarque parle d’apella quand Thucydide et Xénophon parlent d’ecclesia. On ne connaît pas non plus ni la fréquence (chaque mois à la nouvelle lune selon Plutarque) ni le lieu de ses réunions.

Selon Aristote, le droit de parole n’y était pas aussi libre qu’au sein de l’ecclesia athénienne : les orateurs devaient respecter un certain nombre de conventions assez mal connues. Selon Plutarque, les propositions qui lui étaient soumises devaient être acceptées ou rejetées en bloc. De fait, l’assemblée se prononce essentiellement sur la paix et la guerre, et la désignation des chefs de la cité, la gérousia par acclamations et les éphores par l’élection. Si l’assemblée venaient à prendre une décision contraire à la constitution, les rois et les gérontes pouvaient la dissoudre.

La Justice

Les procès sont jugés selon le droit coutumier qui n’est pas codifié. En fonction du litige, la juridiction est composée des deux rois (affaires domestiques), de magistrats ou d’arbitres librement choisis par les intéressés (affaires commerciales) ou par les éphores dans la plupart des cas. Quant aux crimes (homicide, trahison), ils sont de la compétence de la gérousia. Les peines vont de la dégradation civique à la peine de mort en passant par l’exil.



[1Thucydide, I, 18

[2Hérodote, I, 65

[3Xénophon, République des Lacédémoniens, XIII, II.

[4Hérodote, VI, 56 et 57

[5Hérodote, VI, 56 et 58

[6Plutarque, Vie de Lycurgue,26.

 




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  Dernière mise à jour : 29 septembre 2014
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